La Fédération Internationale de Roller Skating (FIRS) a été créée en 1924 : elle regroupe à ce jour cent quatorze nations. En outre, le roller est un sport reconnu par les instances olympiques. C’est-à-dire que la FIRS s’est engagée à suivre les codes édictés par le Mouvement olympique pendant un certain nombre d’années. A l’issue de cette période probatoire, si tout se passe bien, le roller devrait intégrer les Jeux Olympiques.
En avril 2002, une délégation de membres de la FIRS s’était déplacée à Pékin afin de présenter le roller de vitesse aux organisateurs des Jeux de 2008. Le directeur du Comité olympique chinois, qui avait reçu la délégation, semblait sous le charme de notre sport. « C’est un sport très connu en Chine : il y a 150 000 pratiquants à Pékin. Je soutiendrai une candidature du roller aux J. O. 2008. »
Mais le roller ne sera pas un sport olympique en 2008. La candidature a été rejetée fin août de cette année. Trop peu de nations soutenaient le mouvement. Au grand désarroi du mythique sélectionneur national Néo-Zélandais Bill Begg : « c’est une affaire de gros sous qui a motivé la décision des instances olympiques. » Il est vrai que sans soutien médiatique, donc sans rentrée d’argent, aucun sport ne semble amadouer le CIO.
Pas assez d’argent dans le roller, c’est un fait ! Si ça doit être la seule raison pour le mettre au ban de la fête des J. O., on peut l’accepter après tout. Car sinon, en relisant la Charte de Lausanne, le roller apparaît comme un sport « olympique » crédible : amitié, solidarité, fair-play, qualités du corps, de la volonté et de l’esprit, alliance du sport, de la culture et de l’éducation, style de vie, joie dans l’effort et respect des principes éthiques sont les fondamentaux universels décrétés par le Mouvement olympique. Avouez que le roller ne dépareillerait pas dans une telle liste au côté d’autres sports !
Nous avons sondé les acteurs du roller en leur posant cette question : « pourquoi le roller de vitesse doit-il devenir un sport olympique ? » Des athlètes, des entraîneurs et d’autres ont accepté de nous livrer leur point de vue. Seuls les médias nationaux (radio et télévision) que nous avons sollicité sont restés silencieux à ce sujet. Mais peut-on les en blâmer ? On ne répond bien qu’à ce qu’on connaît bien… Pour le reste, voici le résultat de cette enquête de six mois. Maintenant, vous pouvez vous faire une opinion et réagir à votre tour.
Eddy Matzger (Berkeley, Californie, USA), inline globe trotteur, en juin :
« Il faut être réaliste ! C’est avant tout la façon dont les responsables conduisent le sport qui pêche. On peut également se demander pourquoi le CIO a besoin du roller. En outre, il faudrait imposer des contrôles anti-dopage et des arrivées claires. »
Jean-Paul Carréric (Rennes, Ille-et-Vilaine), patineur depuis plus de vingt ans, en juin :
« Si le roller était un sport olympique, il y aurait des directs assurés. Cela permettrait aux téléspectateurs de découvrir ce sport. Il y aurait des reportages dans les journaux et cela faciliterait beaucoup de démarches. »
Audrey et Pierrick Le Goslès (Dinan, Côtes d’Armor), juges européens, en juin :
« Tout simplement, ce sport mérite d’être connu et reconnu, ce qu’une participation aux J. O. permettrait. Le roller est pratiqué par plusieurs milliers de personnes dans le monde. »
Ennio Muemoni (Venise, Italie), artiste pour pied, en juillet :
« Le patin doit devenir un sport olympique tout d’abord parce que c’est un sport très esthétique à regarder. De plus, c’est l’un des rares sports que tout le monde peut pratiquer à tous les âges et partout dans le monde. Ce n’est pas un sport élitiste. »
Peter J. Doucet (Toronto, Canada), roller and best support skater, en septembre :
« Le roller de vitesse est un sport crédible tout d’abord : il fait déjà partie des Jeux Panaméricains et des World Games, ce qui valide la thèse qu’il peut avoir sa place aux J. O. Mais bien plus, le roller vaut par lui-même. C’est un sport qui peut aisément être compris par des spectateurs néophytes. L’action ne cesse jamais lors d’une course : les athlètes semblent y défier les lois de la physique et on ne sait jamais qui va gagner. Le roller de vitesse, c’est aussi la variété des distances au programme (du sprint au marathon, en passant par les courses à points et à élimination). Ainsi que la variété des supports : piste aux virages relevés, circuit routier ou route. Chaque patineur se doit donc d’être polyvalent. Et pour finir, la couverture médiatique ne devrait pas être le seul argument de définition pour la validité d’un sport au programme des J. O. L’esprit olympique se mesure à d’autres valeurs. Pourquoi le roller desservirait-il les Jeux Olympiques ? »
Tristan Loy (Saint-Gallen, Suisse), ambassadeur français en Suisse, en octobre :
« Le roller, c’est le plus beau des sports : c’est le premier des arguments. Mais aussi, il doit devenir un sport olympique parce que maintenant, tout le monde sait ce que c’est, tout le monde possède une paire de rollers dans le placard. C’est un sport très télégénique et intéressant : il allie de nombreux paramètres comme le physique, l’adresse et la technique. De plus, c’est un sport peu cher à organiser et qui nécessite peu d’infrastructures (un circuit sur route suffit, comme pour le cyclisme ou la course à pied). C’est un sport qui continue à se développer : il y a de plus en plus de compétitions et de plus en plus de monde à y participer (8200 patineurs à Berlin cette année). Enfin, le roller doit devenir un sport olympique parce que c’est un vrai sport, avec des athlètes qui s’entraînent tous les jours et avec un vrai circuit de compétitions (World Inline Cup, Swiss Inline Cup, French Inline Cup…). »
Nathalie Lemy (Dinan, Côtes d’Armor), randonneuse militante, en octobre :
« Le roller doit devenir un sport olympique afin que l’on puisse voir la beauté de ce sport sur les écrans. Pourquoi toujours le vélo, le football, l’athlétisme et les autres, et pas le roller ? »
Nathalie Barbotin (Nantes, Loire-Atlantique), dénicheuse de paradoxes, en octobre :
« Notre sport est très beau et très télégénique. Une fois olympique, on intéressera les médias et les sponsors. Mais il paraît qu’on n’est pas assez médiatiques pour être olympique, alors ??? »
Caroline Lagrée (Saint-Yvon, Essonne), sportive réaliste, en novembre :
« Participer aux Jeux Olympiques aurait représenté un rêve, un aboutissement de ma carrière de sportive de haut niveau, l’ultime récompense d’années d’entraînement. Cependant, cette participation n’est restée qu’un rêve ! En effet, pour qu’il devienne une discipline olympique, le roller devrait faire preuve de professionnalisme, de rigueur et de volonté. Cela obligerait donc notre sport à évoluer, c’est-à-dire à se structurer et à se donner les moyens d’y accéder. De cette transformation résulterait une modernisation de notre discipline, ce qui lui permettrait d’être davantage reconnue aux yeux de tous et d’être jugée non plus comme un jeu, mais bien comme un sport olympique. Ce qui me déçoit le plus, c’est le fait que nous soyons plusieurs athlètes à nous entraîner avec rigueur et professionnalisme, mais que tout le reste ne suive pas… Pour terminer, j’aimerai ajouter que le fait de devenir olympique est une preuve de professionnalisme, mais que c’est aussi un mélange de politique, d’influences et de tricheries. Et notre sport n’a pas besoin de toute cette barbarie ! »
William « Bill » Gulledge (Roscommon, Minnesota, USA), journaliste sportif international, en novembre :
« Ces dernières années, j’ai eu la chance de pouvoir travailler avec des athlètes et des entraîneurs très dévoués, très motivés et très talentueux. C’est ridicule de les empêcher de participer aux Jeux Olympiques. J’espère que nous allons tous continuer à travailler ensembles afin que ces athlètes remportent un jour les médailles qu’ils méritent aux J. O. »
Baudouin Patinier, (Breuillet, Essonne), entraîneur de champions, en novembre :
« J’avoue que le roller peut entièrement revendiquer sa place parmi les sports olympiques tels qu’ils sont définis dans la Charte olympique, que ce soit au travers des valeurs sportives (qualités de corps, d’effort et de fair-play) ou humaines ((bon exemple, amitié, solidarité, paix et droits de l’homme). La pratique quasi-commune des filles et des garçons est d’ailleurs un atout et un exemple pour le sport. Son aspect universel au regard des pratiquants (âge, sexe, culture…) est également une force positive. Il faut maintenant regarder de plus près les exigences statutaires de cette Charte. Le roller est-il notamment suffisamment pratiqué dans le monde pour rentrer dans le cercle des sports olympiques ? Les disciplines sont-elles suffisamment délimitées ? Et enfin les épreuves sont-elles suffisamment définies et stables. Il semble que de ce côté-là, la rigueur ne soit pas encore notre alliée pour se présenter au J. O. Je doute que nous remplissions réellement les critères exigés par tous ces paramètres. Le roller doit donc faire preuve de maturité en développant sa pratique et en effectuant des choix durables, notamment sur ses programmes d’épreuves. Maintenant, il faut voir aussi que le CIO fonctionne comme une entreprise mondiale et connaît les dérives de tous ceux qui courent après le succès, l’argent ou la gloire (les péripéties survenant à ses membres en sont le parfait reflet). Les J. O. sont un business planétaire, un événement mondial ultra médiatisé, une foire commerciale aux enjeux uniques, une quinzaine d’exposition pour les partenaires qu’on ne peut négliger. Etre diffusé durant les J. O., voilà le pouvoir marchand que tient le CIO dont le support médiatique est le sport ! Le roller a peut-être effectivement un intérêt à être représenté aux J. O. afin d’être mondialement reconnu, mais je ne crois pas en la nécessité absolue de cette représentation. Regardons les sports qui n’y sont pas et alors nous verrons que cette reconnaissance n’est pas absolument nécessaire ni forcément enviable. Les derniers sports de démonstration (beach volley par exemple) montrent bien la relation au côté business du sport. D’un autre côté, certaines disciplines sont considérées dépassées parce que trop longues et pas suffisamment spectaculaires… Les J. O. sont un spectacle : les organisateurs recherchent donc à vendre des produits (« sports ») qui seront rentables parce que vendeurs. En clair, je ne suis pas convaincu que le roller ait besoin des Jeux Olympiques et de son « système. » Développons notre sport au niveau international dans le cadre de la Fédération internationale : lorsque nous aurons atteint une maturité et un savoir faire reconnu, alors on pourra se poser la question si besoin il y a. Aujourd’hui, l’intérêt d’avoir le roller comme discipline olympique est uniquement financier en permettant d’accéder à une vitrine et de bénéficier de budgets pour les Fédérations – c’est le cas en France – bien plus importants. Terminons par ce qui nous intéresse réellement, le sport et ses valeurs défendues. Le roller aux J. O. serait pour certain€s une reconnaissance énorme et un événement inoubliable. Eux, ce sont les sportives et les sportifs amenés à y participer. En effet, l’entrée dans les enceintes du stade olympique le soir des cérémonies, la vie au village olympique, le regroupement et le mélange de tous ces athlètes sont certainement des événements marquants dans une vie. Je comprends alors pourquoi les athlètes souhaiteraient voir le roller rentrer dans ce cadre idyllique. Mais cette recherche de l’événement afin de pouvoir dire « j’y étais » me dépasse un peu. Je préfère les choses simples de la vie, le rapport à l’autre, le partage, la convivialité, l’échange ; et ces attraits ne nécessitent pas un cadre particulier ni médiatisé. Conclusion : le roller sport olympique, pourquoi pas ? Ca peut être fun pour les athlètes. Mais je ne crois que ce soit une nécessité pour que notre sport se développe et s’organise. »
Richard Deniaud (Nantes, Loire-Atlantique), fondeur invétéré, en novembre :
« Le roller doit devenir un sport olympique pour les « tunes » et la gloire. Mais aussi parce que c’est un beau sport, dynamique, télégénique, excellent ! »
Alain Nègre (Saint-Chéron, Essonne), coach à cent à l’heure, en novembre :
« Cela apporterait des moyens financiers à la Fédération internationale pour développer ce sport. Car chaque Fédération olympique reçoit une aide financière importante de la part du CIO. »
Alexander Bont (Sidney, Australie), manager des antipodes, en décembre :
« Je pense que le roller inline est prêt pour devenir un sport olympique. Des épreuves comme le 300 mètres chrono ou le 500 mètres sont bien telles qu’elles sont. Les distance moyennes, comme les courses à points ou les courses par élimination, peuvent en revanche être sujettes à quelques controverses, notamment lorsqu’il y a des chutes : il doit y avoir des règles claires à ce sujet et à ce qui arrive après une chute. Il y a toujours beaucoup de tricheries (des relais à l’américaine) qui doivent disparaître. Les officiels sont trop souples à ce sujet : le pousseur et celui qui est poussé méritent d’être disqualifiés. Les contrôles anti-dopage dans notre sport ne sont pas assez sérieux : un médaillé d’or aux championnats du monde peut refuser de s’y soumettre… Le marathon est prêt pour les J. O. si on empêche qu’il y ait des poussettes lors de cinquante derniers mètres de l’épreuve. En résumé, il faut donc que tous les officiels se réunissent afin de parler de ces problèmes de tricherie et de dopage : par la suite, je ne vois pas pourquoi le roller ne serait pas un sport olympique. »
Sébastien Sergent (Roinville-sous-Dourdan, Essonne), le discours de la méthode, en décembre :
« J’aurais tendance à transformer cette question en « que faut-il faire pour que le roller soit considéré comme un sport ? » afin de tenter d’y réponde de manière constructive. Si je reste sur mon opinion, je comprends tout à fait que le roller ne soit pas un sport olympique, car il n’est même pas lui-même encore reconnu comme un sport par la majorité des gens et des médias. Je me demande donc ce qu’il faut faire pour que l’on reconnaisse le roller comme un sport. Les épreuves de masse en ville sur circuit fermé semblent une bonne solution (le roller est, contrairement au vélo, considéré comme un moyen de locomotion urbain) : cela offrirait la possibilité aux urbains de venir aisément sur les lieux des courses, de découvrir et de pouvoir comparer de manière visuelle la différence qu’il y a entre le roller qu’ils voient tous les jours et le roller de vitesse pratiqué par des sportifs. Il faut utiliser en parallèle aux épreuves de masse des épreuves de roller acrobatique afin d’attirer un maximum de spectateurs. Les médias pourraient ainsi peut-être s’y intéresser. Pour cela, il faut faire comprendre à la Fédération qu’elle doit s’ouvrir sur ce genre de manifestations si elle veut vraiment développer son sport et non garder simplement de l’importance aux épreuves sur piste et route (attention, je ne dis pas qu’il faille abandonner ces disciplines !). Je pense que le snow-board a plus ou moins utilisé ce système pour se développer, en mettant en avant le snow acrobatique pour attirer les médias et obtenir une reconnaissance auprès des jeunes ; par là même, le grand public a découvert qu’il existait plein de disciplines et a naturellement intégré cette manière de glisse comme sport. Or, le roller de vitesse est un sport de glisse mélangé à de l’endurance. En conclusion, essayons de faire connaître notre sport en tant que « sport » au grand public : après quoi, je pense qu’il deviendra naturellement un sport olympique, car il a tout pour le devenir. »
Lionel Maillard (Bordeaux, Gironde), patineur prometteur, en décembre :
« Le roller de vitesse mérite d’aller aux J. O. Et ça serait bien qu’il devienne un sport olympique car il n’a pas la popularité qui lui est due. Si le roller était un sport olympique, les spectateurs pourraient nous comprendre quand on dit « je fais du roller de vitesse » et les coureurs seraient reconnus. »
Caroline Boué (Gourdouville, Tarn-et-Garonne), patineuse prometteuse, en décembre :
« Je pense que le roller doit devenir un sport olympique car il le mérite autant que les autres sports qui y sont déjà. Certains se sont investis à fond dans notre sport : ils s’entraînent deux fois par jour et tous les jours. Ce sont de vrais « pros » et je pense que le fait que le roller devienne un sport olympique serait une reconnaissance pour eux. Tous les efforts et les sacrifices qu’ils ont fait se verraient récompensés puisque notre sport serait plus connu. Et ces sportifs méritants seraient également reconnus. D’autre part, je pense que le roller est un sport spectaculaire, autant que le cyclisme sur piste ou l’athlétisme : il y a une tactique et un jeu dans le peloton. Il possède donc tous les atouts pour attirer le spectateur et le convaincre que c’est un beau sport. »
Remarques techniques :
Dix-huit sports étaient sur la « liste d’attente » pour entrer dans la grande maison de l’olympisme en 2008. Pour qu’un sport devienne olympique pleinement, et en dehors du fait de répondre aux critères de la Charte olympique, il faut qu’il soit pratiqué par au moins soixante-quinze pays et sur les quatre continents, et par des femmes dans au moins quarante de ces soixante-quinze pays. Le roller ne rentre pas stricto sensu dans ce schéma.
En effet, quatre-vingt pays ont une Fédération nationale de roller de vitesse, mais trente seulement ont envoyé des patineurs aux championnats du monde d’Ostende en 2002. Et quarante et un participent régulièrement, par le biais de leurs athlètes, à des compétitions internationales (World Inline Cup ou Jeux Mondiaux). D’autres nations arrivent… Mais il faudra se résoudre à attendre 2012. Pourtant, cette histoire de quota de pays semble une règle assez lâche si l’on considère que le rugby a été accepté aux J. O. Bill Begg peut se demander justement : « combien de pays pratiquent sérieusement le rugby ? Et les quatre continents sont-ils concernés par ce sport ? »
Imaginons que le roller devienne un jour un sport olympique : serait-il alors inclus dans les sports d’été ou dans les sports d’hiver ? A ce jour, le programme des sports d’été est complet. Cependant, de nombreux sports dits d’été pourraient facilement être déplacés l’hiver, car la plupart de leurs compétitions nationales ou internationales se déroulent durant la période hivernale (la gymnastique ou le basket par exemple). Mais d’après la Charte olympique, la glace ou la neige sont des contraintes nécessaires à la classification d’un sport aux Jeux olympiques d’hiver.
Vincent Esnault.
Liens pour aller plus loin :
www.olympic.org (référence dans la Charte olympique 3.3.1, règle 52.1.1.1.),
www.fasst.com/olympic-poll.htm : votez pour que le roller devienne un sport olympique…
… Et toutes vos opinions dans le forum du site www.roller_service.com.