COMMUNIQUE DE PRESSE


Le roller ailleurs : les Pays-Bas
Communiqué du 27/03/2003


Le roller avec des roues alignées est né d’une adaptation, d’un besoin qu’avaient les patineurs sur glace de pratiquer pendant la période estivale. L’innovation date du milieu des années 80 : c’est aux Etats-Unis que les brevets ont été posés et que l’exploitation commerciale s’est développée. Mais la pratique sportive du roller « inline » de vitesse vient très certainement des Pays-Bas. Très tôt en effet, nos voisins bataves se sont organisés en circuit de courses hors saison dans le but de préparer la saison hivernale sur glace ; très tôt, ils ont été efficaces sur des roulettes. «Pour l’édition 1989 de Rennes sur Roulettes, nous avions fait venir un Néerlandais, Edward Hagen. Il termina avec un tour d’avance sur les autres concurrents en quads » se souvenait Jean-Paul Carréric. Eddy Matzger nous expliquait quant à lui, en se rappelant de ses débuts dans le inline, que « c’est en Europe que j’ai participé pour la première fois à une course. C’était aux Pays-Bas : un patineur de 67 ans m’a pris trois tours…» Les autres nations se sont rendues compte de l’avance des Néerlandais peu de temps après. « Ils ont survolé les premiers championnats du monde inline de 1992 : nous étions impuissants face à leur avance ! » se remémore Dante Muse, le célèbre champion américain. «Mais ça nous a motivé pour combler ce retard, et, dès l’année suivante, nous pouvions les battre.»

Et depuis ? Le roller aux Pays-Bas a-t-il progressé au même rythme qu’ailleurs ? Pourquoi voit-on peu de Néerlandais sur le circuit international ? Jp van Zanten, très impliqué par le roller dans son pays (voir sa petite biographie plus bas), et Linda Schellekens, qui porte un œil attaché dessus, nous ont aidé à en savoir un peu plus.

Pour comprendre la place du roller sur route, il faut comprendre l’importance de la glace. Une phrase pourrait résumer la situation, une remarque de Linda : «les patineuses sur glace sont bien payées et c’est sans doute pour cela qu’elles ne font pas de la route sérieusement : sinon, elles seraient certainement très fortes…» Ce qui vaut pour le femmes vaut également pour les hommes. La glace est l’un des sports nationaux aux Pays-Bas, ce qui explique l’aspect secondaire, relativement, de la route. 1,3 millions de Néerlandais pratiquent le patinage sur glace cependant : c’est dire le potentiel de réserve du inline !

Car si le inline n’est pas un sport majeur aux Pays-Bas, c’est quand même un sport développé. La plupart des clubs de glace s’entraînent sur la route quand reviennent les beaux jours : beaucoup possèdent d’ailleurs une piste de 333 ou 400 mètres, qu’il suffit de recouvrir d’eau l’hiver pour en faire un anneau gelé. «Cinquante-neuf courses sur route sont inscrites au calendrier annuel des Seniors hommes, et trente-neuf à celui des Juniors» nous fait remarquer Jp. «Ce sont des événements nationaux ou régionaux, selon la catégorie dans laquelle les compétiteurs courent.» Il existe en effet plusieurs catégories et des compétitions dévolues spécifiquement. Les Seniors hommes de la catégorie C, considérés comme débutants, ne participent qu’aux courses régionales : ils sont environ 250. Les Vétérans (plus de 40 ans, 200 licenciés), les Seniors hommes B (catégorie promotionnelle, 100 licenciés) et A (les meilleurs, 100 licenciés) peuvent se présenter aux compétitions nationales et régionales. Les femmes se répartissent quant à elles en deux classes, la D1 et la D2 (voir l’article sur la « Dutch Ladiescompetition » du 6 mars 2003) : elles sont en tout une centaine. Les premières courses organisées le furent au milieu des années 80, quand les patineurs sur glace se sont mis à la route.

La plupart des compétitions néerlandaises sur route découlent en fait du système de la glace tout simplement. « Mais elles se sont développées en s’intégrant à des événements cyclistes » tient à préciser Jp. C’est pourquoi elles ont été baptisées « critériums » ou « classiques. » Le format le plus courant est celui de l’Univé WoW Cup, dévolu aux patineurs de la catégorie A : il existe seize coupes Univé dans la saison. Les critériums sont plutôt des courses régionales quant à elles. Tous ces marathons ne ressemblent pas à ceux qui se développent dans le reste de l’Europe, parce que la SBN (Skate Bond Nederland, la Fédération nationale) n’a pas tenu à suivre cet exemple. « Lors du marathon d’Amsterdam 2000, référencé alors Liptonice Inline Challenge, une très grosse chute s’est produite sous un tunnel, impliquant une centaine de fitness » se souvient Jp. Ce marathon n’était pas accrédité par la SBN, parce qu’il était considéré comme trop dangereux. Et entre temps, les promoteurs du LIC ont stoppé leurs activités. Néanmoins, cette chute fut un contre-exemple de ce qu’il fallait adopter comme modèle d’organisation.

« Depuis lors, la SBN tient à garantir une meilleure sûreté des patineurs. » Et d’ailleurs, les fitness disposent de leur propre calendrier, d’une centaine de courses par an, indépendamment des courses des Seniors et des Vétérans : ils concourent pour des compétitions spécifiques ayant souvent pour but de faire le plus de kilomètres possibles. Certains accumulent ainsi plus de 4000 kilomètres par an. Les « tours » des Vétérans se déroulent soit sur une route fermée (les patineurs sont alors accompagnés par une voiture de sécurité, des cyclistes et des policiers, et ils roulent en peloton jusqu’à ce qu’ils peuvent), soit sur un tronçon (les patineurs partent alors un par un, mais c’est beaucoup plus fastidieux à organiser !). Ces courses réservées aux fitness sont des événements très sérieux : Jp précise d’ailleurs qu’elles varient « de cinq à deux cent kilomètres, se courant sur un jour ou bien sur quatre pour les plus longues : les participants peuvent alors cumuler quatre cent kilomètres sur un événement ! »

Pour des raisons historiques également, le prix d’une licence de compétition annuelle est très peu élevé : 70 Euros, payable par les Néerlandais comme les étrangers, et qui permet de participer à toutes les courses du calendrier. La SBN met enfin un point d’honneur à promouvoir le roller sous toutes ses facettes, ce qui inclus d’offrir des courses sûres bien entendu, mais également des endroits dévolus aux athlètes pour s’habiller et se doucher, ainsi que l’obtention des primes directement après chaque compétition. Chaque licencié reçoit de plus un magazine mensuel complètement consacré au roller : « ce magazine développe tous les résultats des courses aux Pays-Bas ainsi que celles des différents championnats internationaux » souligne Linda. « Et de surcroît, la Fédération nationale et le sélectionneur y expriment leur politique et leurs objectifs. Enfin, des rubriques spécifiques sont consacrées au calendrier des courses et des randonnées à venir, ainsi qu’au matériel. » C’est un peu l’équivalent d’un mode d’emploi du roller de vitesse en somme.

Alors, pourquoi très peu d’étrangers sont attirés par ce système très bien réglé ? Tout d’abord, il est nécessaire de noter que les voisins Belges (Hilde Govaerts, Davy Willems ou encore Franck Fiers par exemple) sont des assidus des courses aux Pays-Bas. D’autre part, de grandes stars du roller y ont également concouru : outre quelques Français, Eddy Matzger, Doug Glass et les frères Muse sont venu y éprouver leur technique. Mais à l’analyse, il apparaît que les autres patineurs ne se sont déplacés aux Pays-Bas que lors des Liptonice Inline Challenges, c’est-à-dire des marathons qui ne rentraient pas dans le système traditionnel des courses nationales… La Fédération tente bien d’attirer des compétiteurs étrangers, notamment en incluant quelques épreuves au calendrier de la World Inline Cup. Mais jusqu’à présent, seuls les teams Bont et Levallois Sporting Club se sont montrés réellement intéressés. Inversement, il est rare qu’un patineur néerlandais passe les frontières de son pays pour pratiquer le roller ailleurs. « Ca tient sans doute à notre système particulier » tient à préciser Jp. « Il y a en effet tout le choix possible de courses aux Pays-Bas l’été (deux le week-end et une en semaine). La reconnaissance sur notre territoire reste aussi primordiale. Mais également il faut bien dire que mes compatriotes n’aiment pas voyager… » Sur quoi, Linda renchérit : « Je pense que s’ils n’aiment pas trop voyager, c’est parce qu’ils ont tout sur place ! Mais aussi parce qu’ils bénéficient d’une certaine reconnaissance là-bas et que les sponsors, qui sont la plupart du temps de dimension nationale, ne voient pas l’utilité de faire se déplacer leurs équipes à l’étranger. »

Tous les patineurs sont en revanche unanimes à considérer que les 100 kilomètres d’Hallum sont une référence pour les fondeurs : cet ultramarathon du mois de septembre a vu passer Benoît Perthuis, Philippe Boulard, Alban Cherdel ou Richard Deniaud. Jp le baptise «le Paris-Roubaix du inline » Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, tout le monde connaît cette course ! « Beaucoup de patineurs jurent qu’ils ne la referont pas juste après avoir franchi la ligne d’arrivée, mais ils reviennent l’année suivante… » continue-t-il.

Quel avenir peut-on esquisser pour le roller aux Pays-Bas ? Les patineurs sur glace continueront sans doute à se convertir à la route au printemps. Arjan Smit, médaillé d’argent aux championnats du monde d’Ostende, prépare peut-être plus spécifiquement la saison sur route : lui manque les premières et les dernières courses du calendrier de la glace afin de reposer un peu son organisme. En revanche, le Français Cédric Michaud, son coéquipier chez Néfit, préfère faire l’inverse : il manque ainsi les premières et les dernières compétitions sur route. L’année passée, la Fédération avait adopté une politique de soutien aux jeunes patineurs : ils ont ainsi pu se préparer et courir de nombreuses courses internationales. « Cet hiver encore, la SBN a mis l’accent sur la préparation des jeunes à la piste, afin qu’ils soient fin prêts pour les championnats d’Europe, un rendez-vous très attendu puisqu’ils se dérouleront aux Pays-Bas cet été » explique Linda. Le roller de vitesse sur piste commence donc aussi à pointer le bout de son nez depuis deux ans, ce qui ressemble à une grande innovation au pays des critériums : un tournoi de cinq courses a en outre été monté et les patineurs intéressés se déplacent en Belgique pour entretenir leur passion. Cette année, avec la Dutch Ladiescompetitions, ce sont les femmes qui seront à leur tour le centre des attentions de la Fédération. L’encadrement est de même l’objet de toutes les attentions : différents plans sont mis en place, les coachs et les entraîneurs nationaux se coordonnent et sont mis au courant des décisions, ils bénéficient d’un plan de formation et sont encouragés à aller détecter et soutenir les jeunes talents. Tous ces points peuvent laisser augurer un avenir radieux pour notre sport aux Pays-Bas !

En résumé, le roller aux Pays-Bas tente de s’ouvrir le plus largement possible. C’est encore un petit sport face aux géants que sont le football, le cyclisme et la glace. Cependant, la télévision et quelques quotidiens lui ont consacré des reportages à l’occasion des championnats nationaux et du monde 2002. « La télévision se déplace lors des courses importantes » remarque Linda. « C’est grâce à la Fédération, qui souhaite réellement que le sport se développe dans le champs médiatique : notre sélection est passée deux fois dans des émissions sportives du type de Stade 2 à l’occasion des championnats du monde 2002 par exemple. La médaille d’argent d’Arjan Smit a été exploitée comme une opportunité de faire de la publicité pour le roller. » La presse rapporte également régulièrement chaque événement relatif au inline : pour les journaux locaux, c’est devenu normal. Reste maintenant à savoir s’il faut adopter le standard international type World Inline Cup ou bien conserver ses spécificités. « C’est peut-être d’un équilibrage entre les deux formules que le roller aux Pays-Bas trouvera sa voie » conclut Jp van Zanten.

Portraits :
Linda Schellekens : interview parue dans le site le 23 février dernier.

Jp van Zanten : il se définit lui-même comme un connaisseur des marathons de roller en Europe. Jp a pratiqué de nombreux sports, mais a stoppé toute activité il y a quelques années. Il s’est mis à accompagner et à supporter son amie Sonja Kolijn au fil de sa progression dans le roller de vitesse : ils ont ainsi dû voyager en Suisse, en Allemagne ou en France pour trouver des marathons ouverts aux femmes (classés RWC), à un moment où cela n’existait pas aux Pays-Bas. Soja est aujourd’hui membre du Fratelli Team Mechelen (Belgique).Voilà pourquoi le point de vue de Jp est précieux : il a eu l’opportunité de comparer différents systèmes.

Liens :
http://www.skatebond.nl : le site de la Fédération de roller des Pays-Bas.
http://www.skatebond.nl/speed/wed2003.php : le calendrier des compétitions aux Pays-Bas.
http://www.skatebond.nl/fun/toer2003.php : le calendrier des courses pour fitness.

Vincent Esnault.