Après une douzaine d’année au top niveau du roller en ligne de vitesse, Franck Cardin a décidé à la fin de la saison 2005 de raccrocher. En pleine force de l’âge et au terme de ses meilleures campagnes, le Breton a fait un double choix : celui de rester sur une bonne note et celui de finir ses études. Nous nous devions de lui rendre l’hommage qui lui était dû.
Quand on pense à Franck Cardin, les premiers mots qui viennent sont ceux-ci : générosité et professionnalisme. Générosité dans l’effort tout d’abord, celle qui lui donnait des ailes pour attaquer à tout moment de la course, sans avoir peur de se découvrir ou d’abattre ses cartes. Cette générosité avait quelque chose de l’honneur de ces sportifs qui se battent jusqu’au bout et qui ne lâchent rien. Professionnalisme dans la préparation ensuite : quand il s’agissait de s’entraîner afin de préparer une saison ou un événement, Franck ne lésinait jamais sur le temps passé à répéter ses gammes, le matin et l’après-midi, par n’importe quel temps.
Ses capacités, alliées à une force physique hors du commun, auraient pu faire de lui un cycliste professionnel, un sport qu’il aimait bien d’ailleurs. Il a choisi le roller de vitesse, et finalement tant mieux pour son sponsor, pour l’équipe de France… Et pour notre plus grand plaisir !
Le roller avant le roller
Quand il a commencé le sport de compétition du côté de Lamballe, Franck a un moment hésité entre l’escrime et le « patin à roulettes » (autrement dit le quad). Son choix s’est définitivement porté sur ce dernier sport, ce n’est pas la peine de le préciser. A la fin des années 80 et au début des années 90, il faisait partie du RC Penthièvre Lamballe, le club entraîné par Michel Le Guillou et qui comptait déjà de grandes figures du quad (Karine Urvoy, les frères Le Glatin et Philippe Jamet chez les Seniors, Mikaël Le Guillou chez les Juniors ou encore Claire Gaudin chez les cadettes). Par la suite, en 1991, un Cadet venant de Saint-Brieuc, Pascal Briand, devait s’ajouter à cette liste prestigieuse… Franck était alors le plus petit, puisque « seulement » Minime.
Sous la férule de leur entraîneur, ces patineurs apprirent le sens du mot entraînement. Et aussi celui du mot progression… Mickaël derrière Philippe et les Le Glatin, Pascal derrière Mickaël, et enfin Franck derrière Pascal, sans oublier les filles ! L’objectif de Michel Le Guillou était d’amener des athlètes au meilleur niveau : son point fort résidait dans les quelques longueurs qu’il avait d’avance dans la science de l’entraînement et qui s’apparentaient à une esquisse de professionnalisme dans un sport largement encore amateur. Cette véritable équipe de club devait gagner de multiples médailles sur la scène nationale et internationale.
Au milieu de cette pléiade, Franck n’émergeait pas vraiment : en 1991-92, il était un bon coureur certes, mais pas encore suffisamment développé par rapport à ses concurrents directs sur la scène nationale (on pense par exemple à Sébastien Ossent et Yohann Langenberg lorsqu’il était en première année et à Baptiste Grandgirard, Yannick Lavergne, Charles Baron, Alban Cherdel ou même à Lauryce Lévêque lorsqu’il était en deuxième année…). Le premier tournant dans sa carrière s’inscrit avec l’arrivée en provenance des Pays-Bas des rollers en ligne…
La révélation de l’année 1994
Dans la foulée de Pascal, Franck repris tous les fondamentaux et surtout, s’appliqua à mémoriser une technique toute nouvelle et tellement particulière de patinage. Il s’échina surtout l’hiver afin de donner le meilleur durant la saison. On senti qu’il avait franchi un premier pas lors des championnats de France de Grand Fond de Grenade en mars 1994. Ce jour-là, sur un circuit en ville et glissant (il avait plu), Franck termina deuxième derrière Yohann Langenberg.
Le reste de sa carrière allait finalement découler de cette adaptation au « in line » et de cette culture de l’effort et de l’entraînement inculquée dans le club de Lamballe. En 1995-96, Franck avait à peine 18 ans, l’âge de la majorité qui correspondait pour lui à l’émergence de sponsors dans le roller de vitesse. Passé à l’INSEP à Paris avec son compère Pascal Briand, il devenait l’un des premiers Français professionnels, sous les couleurs du « team » Salomon. Désormais, Franck avait acquis une nouvelle dimension : il faisait partie par définition des meilleurs patineurs de vitesse du monde.
Néanmoins, le plus facile quand on est au sommet, c’est encore de redescendre. Le Breton en était pleinement conscient. Il ne s’endormit donc pas sur ses lauriers, bien au contraire ! Epaulé par Pascal Briand et par son entraîneur, Christophe Audoire, Franck n’eut de cesse de viser la perfection. Par des stages et des courses aux Pays-Bas tout d’abord (avec quelques défaites au début), par des préparations hivernales de haute volée ensuite. L’histoire nous dit qu’il a cueilli les fruits de ce travail acharné, avec maints victoires et tant de bonheurs sur sa route !
Salomon, équipe de France et victoires
De 1996 à 2005, Franck a connu presqu’une décennie au top, et qui plus est, ce qui est assez rare, sous les mêmes couleurs : celles du team Salomon.
La première image qui reste comme une évidence de la personnalité de Franck, c’est celle du Grand Fond (encore !) de 1996 à la Flèche. Le Breton ne termine pas la course puisqu’il finit allongé dans l’ambulance des pompiers, à la limite de la perte de connaissance. Il a tout donné, et même plus… Auparavant, il s’était échappé seul sur un circuit très physique (une belle côte à chaque tour) et la victoire finale semblait lui tendre les bras. Derrière, seul Tristan Loy avait tenté de sortir aussi, mais il n’aurait pas pu le rattraper. Seulement voilà, Franck avait été trop généreux dans l’effort et à cinq kilomètres de l’arrivée environ, il fut victime d’une fringale.
Une erreur de jeunesse qu’il n’a jamais plus réitérée. Passe-partout et fidèle à son image, Franck devait glaner jusqu’en 2002-2003 une belle collection de médailles, que ce soit sur piste, sur route, sur le plat ou dans les côtes. Sur piste et sur route à l’occasion des différentes championnats de France ou d’Europe qu’il a couru avec l’équipe de France. Sur les marathons aussi bien plats (RWC de Rome en 2001, FIC de Nantes en 2002, FIC de Lille en 2003) que physiques (vainqueur de la FIC des Herbiers en 2002, 2003 et 2004, mais aussi de la SIC de Lausanne en 2002). Il était capable de se sacrifier pour le bien de l’équipe Salomon, comme quand il parvint à « barrer » Jorge Botero à Rennes sur Roulettes en 1999 et ainsi permettre à son leader Pascal Briand d’emporter la coupe d’Europe des marathons, ou encore lors du double marathon des championnats du monde de Valence d’Agen en 2001, qu’il gagna d’ailleurs ! Il était aussi capable de prendre ses responsabilités et d’assurer une victoire finale, comme par exemple lorsqu’il décrocha le classement général de la FIC en 2003.
2005, l’année de la consécration
Si l’un des faits d’arme de Franck aura été de devenir champion du monde à Valence d’Agen en 2001, force est de constater qu’avec la maturité, énormément de travail et peut-être aussi un peu de la chance qui sourit aux audacieux, la saison 2005 aura été sa meilleure. Du début à la fin, le Breton s’est glissé dans tous les bons coups, allumant toutes les mèches, manœuvrant comme un général dans la bataille, pour la gagner.
Plutôt que de revenir sur un marathon en particulier, nous devons plutôt constater comment les résultats de cette dernière saison reflètent l’homme et sa vision du sport, généreuse. Dès le mois de mars, après une préparation intense en Colombie, Franck forçait le respect en allant empocher un troisième titre consécutif lors des championnats de France de Grand Fond à Grenade, et de quelle manière : personne ne pu le suivre, tout simplement. Le ton était donné !
Par la suite, que ce soit sur des circuits plats (deuxièmes places à la WIC de Séoul, à la WIC de Rennes et encore à la FIC de Dijon, troisième à la WIC de Nice) ou sur des circuits physiques (première place à la SIC de Berne, deuxième à la FIC de Plouha et troisième à la FIC de la Trans’roller, par exemple), il n’a eu de cesse de briller aux côté de Massimiliano Presti, Luca Saggiorato, Jorge Botero, Alexis Contin ou encore Shane Dobbin, sans toutefois parvenir à tenir le haut de l’affiche en décrochant des victoires. Petit bémol dans une saison qui l’a consacré encore une fois au premier rang de la French Inline Cup, une couronne qui symbolise bien des choses.
A 27 ans, en pleine force de l’âge pour un athlète, Franck a donc décidé de raccrocher les rollers. Son parcours et son palmarès peuvent forcer le respect et doivent inspirer les générations montantes.
Vincent Esnault.